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Les Echos de Nampilly
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27 novembre 2006

Revue de Presse

Une semaine après le décès de Bertrand Poirot-Delpech, petite revue de presse. Beaucoup de journaux ont parlé de la mort de l'écrivain mais nous cherchions plus précisément ceux qui citeraient les Signe de Piste. Nous en avons trouvé deux dont voici les articles :

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Le Figaro

14 novembre 2006

Bertrand Poirot-Delpech, écrivain

Etienne de Montety

L'académicien, journaliste et écrivain Bertrand Poirot-Delpech est décédé mardi à l'âge de 77 ans.

Ils étaient quatre amis, François-Régis Bastide (décédé en 1996), Jérôme Peignot, François Nourissier et Bertrand Poirot-Delpech. À l'annonce de la mort de ce dernier, l'académicien Goncourt s'est écrié : « C'est un grand pan de jeunesse qui s'écroule. » Soixante ans d'amitié les unissaient. Bertrand Poirot-Delpech était né à Paris, le 10 février 1929, d'une famille de médecins et d'universitaires. Comme les jeunes gens de sa génération, il avait été formé à l'école du scoutisme et en tirait une grande fierté. Notamment à cause de la formation humaine qu'il y avait reçue : à la Libération il avait - en compagnie de François Nourissier - participé à la mobilisation des jeunes scouts de Paris au service des rescapés de retour des camps, qui étaient accueillis au Lutétia. Cette expérience l'avait fortement marqué. Sous le pseudonyme de Bertrand Mézières, ce jeune homme désargenté et doué avait également écrit un roman pour la célèbre collection d'aventures « Signe de piste », Portés disparus (1958). Ce ne fut pas le seul livre qu'il écrivit sous le masque. En 1976, il avait rédigé un violent pamphlet contre le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, signé Hasard d'Estin et intitulé Tout fout le camp.

Ces fantaisies étaient une autre facette d'un homme élégant et discret qui avait fait toute sa carrière au quotidien Le Monde, où il était rentré à vingt-deux ans. Il y avait notamment assuré la chronique des grands procès (1956-1959) et la critique théâtrale, à la suite de Robert Kemp (1960-1972), avant de succéder à Pierre-Henri Simon comme feuilletoniste du Monde des livres.

Il reçut en 1958 le prix Interallié, pour son roman Le Grand Dadais, écrit sur le mode primesautier de l'époque où l'on pouvait lire des phrases comme celles-ci : « Les jeunes feraient sûrement moins de bêtises si on leur montrait qu'en les commettant, ils n'inventent rien. » Parmi ses romans, on peut encore citer Les Grands de ce monde, L'Été 36, Le Golfe de Gascogne. Lauréat de l'Académie française pour son roman La Folle de Lituanie en 1970, il y fut élu en 1986 au fauteuil de Jacques de Lacretelle. Il y fut un membre assidu. Il reçut notamment ses cadets, Michel Serres, Érik Orsenna et René de Obaldia. Se souvenant du critique de théâtre qu'il avait été et de l'amateur qu'il était resté, il s'était notamment offert le luxe de rédiger en alexandrins de scène une partie du discours de réception de l'auteur de Du vent dans les branches de sassafras. Il était le père de la romancière Julie Wolkenstein.

--> Le Figaro <--

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Le Nouvel Observateur
Semaine du jeudi 23 novembre 2006

Le panache et la plume

Jérôme Garcin

C'était un grand adolescent tout droit sorti de la collection « Signe de piste », dont il écrivit un volume, que les préoccupations de l'âge adulte semblaient intimider. Il n'en aimait ni les responsabilités, ni les concessions, encore moins le confort. Sans doute l'enfant de la débâcle de 1940 faisait-il payer au destin d'avoir perdu son père à 10 ans et d'avoir grandi sans repères.

Sur son voilier granvillais, son vélo d'hirondelle ou sa moto de Tintin, ce bourgeois bohème au physique avantageux n'en finissait pas de se fuir. Ecrivain volage, séducteur insoucieux, pianiste du dimanche, habillé de pulls troués, se flattant de ne posséder qu'une seule cravate, il avait habité une garçonnière jusqu'à ses 68 ans. C'était en 1987, date à laquelle il entra à l'Académie française pour mettre un peu d'ordre dans sa vie, sa bibliothèque et ses armoires. Ce qui ne l'empêcha pas de persister, après son élection, dans des genres littéraires et épistolaires où ce khâgneux excellait : le canular, le pastiche, le libelle, sans négliger la traque flaubertienne des tics langagiers de la modernité.

«Quand donc cesserez-vous d'avoir mauvais esprit?», lui avait demandé François Mauriac, qui fut son protecteur et s'inquiétait de son avenir. Jamais, aurait répondu le jeune Bertrand, dont la détestation de la grandiloquence, du sérieux pompeux, de l'autofiction et de l'autosatisfaction était une manière de dissimuler sa pudeur maladive. A l'exception du bref « Couloir du dancing », il s'est en effet toujours refusé à parler de lui. A la confidence, ce brillant styliste préférait la raillerie. Beaucoup de ses livres en portent la marque : de son pamphlet anti-giscardien « Tout fout le camp », signé Hasard d'Estin, à « la Légende du siècle » (où Hitler bouffe des rillettes dans le wagon de Montoire en pleurant sur son impuissance sexuelle), en passant par « les Grands de ce monde » (où de Gaulle, au lieu d'aller à Baden-Baden le 29 mai 1968, trinque à la station de métro Balard avec un garde républicain).

Bertrand Poirot-Delpech n'était sérieux que sur les sujets graves. Marqué pour la vie par son expérience de scout accueillant à l'Hôtel Lutetia, en 1945, les rescapés des camps de la mort, il avait écrit, avec « Monsieur Barbie n'a rien à dire », un féroce procès-roman sur le bourreau nazi de Lyon, poursuivi Maurice Papon de toute sa colère rétrospective dans « Un crime de bureau » et recueilli, dans le bouleversant « J'ai pas pleuré », la confession d'Ida Grinspan, arrêtée à 14 ans par la police française et déportée à Auschwitz. Ida réveillait, chez Bertrand, un ineffaçable souvenir. Celui de Youra Riskine, son camarade de seconde au lycée Louis-le-Grand, noté absent un matin de 1943, exterminé à 15 ans. «Ma vocation de journaliste, disait-il, date de là. L'obligation de savoir : un devoir sacré.» Et quel journaliste ! Fidèle au « Monde » et à sa rigueur pendant un demi-siècle, il a été successivement chroniqueur judiciaire, critique dramatique et feuilletoniste littéraire, il avait la passion du métier et l'enthousiasme contagieux. Car ce persifleur-né aimait aimer.

Si l'on veut aujourd'hui se faire une juste idée de Bertrand Poirot-Delpech, il faut ouvrir son essai paru en 2001 : « J'écris Paludes ». Il y raconte pourquoi il relit, une fois l'an, la sotie d'André Gide, ce «traité narquois de la velléité et du fiasco, sur fond de mondanités grisâtres». Et il explique, entre les lignes, comment il est devenu un écrivain de la famille si française des sceptiques ricaneurs, des lyriques contrariés et des hussards de gauche. Né en 1929, comme Bernard Frank, le romancier de « l'Eté 36 » vient de rejoindre l'essayiste de « la Panoplie littéraire » au paradis de l'insolence, où les dieux fatigués s'amusent enfin.

--> Le Nouvel Observateur <--

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