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Les Echos de Nampilly
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29 octobre 2010

L’Honneur des Hermines

un chaînon manquant dans l’histoire du roman guide

Au mois de novembre 1946, la revue Guide de France*, mensuel de l’association éponyme, annonçait la prochaine publication en ses pages d’un roman d’aventures guide titré L’Honneur des Hermines. Les numéros 204 à 212 de la revue comptaient entre un et deux chapitres du roman. Celui-ci, fort de 44 pages en deux colonnes bien serrées, orné de 19 illustrations hors frontispice toutes de la main de Jacqueline Royer, se divisait en 13 chapitres et un bref épilogue. Cadre de cette aventure : une petite ville de cette Provence si chère au cœur de Jacqueline Royer, Abeille pour les intimes, et que l’on retrouve dans L’Inconnue de Valcluse.

Parmi les événements qui apparaissent au fil du scénario de cette histoire, on retrouve pas mal de thèmes précédemment évoqués dans des articles de fond ou plus techniques de la même revue, comme la nécessité de financer tant la réfection de l’électricité du local qu’un complément de matériel de camp à l’issue de la guerre, les activités « mains habiles », le problème des réfugiés en tous genre, la méfiance à leur égard et la xénophobie, les compagnies extension pour guides moins valides, les mécènes du guidisme, le guidisme aux colonies, les qualités de la guide, la solitude du secret, l’importance de la B.A., de même que celle de la fête de Noël, ou encore la problématique de l’argent très présente chez les Guides De France en 1947.

Dans l’univers du roman guide, L’Honneur des Hermines occupe une place particulière, puisqu’on peut y voir une sorte de chaînon manquant, à la charnière entre le roman de rédemption du type Toujours prêtes ou La Roulotte et le roman d’aventure comme La Forêt qui n’en finit pas** et les œuvres suivantes du tandem Royer–La Selve. La structure du roman s’en ressent et pourrait se caricaturer ainsi : après une brève présentation du contexte et des protagonistes (chap.1 et 2), le cœur de l’ouvrage (chap.3 à 8) pourrait s’intituler « le secret de Furet » ou « Furet seule contre tou(te)s », puis « le secret des Hermines » (chap.9 à 11), le tout couronné d’un épilogue qui tient du mélodrame (chap.12 et 13)…

L’intrigue peut se résumer comme suit : une guide, Furet (troisième des Hermines, une équipe qui pousse haut le sens de l’honneur), est témoin d’un vol lésant sa compagnie, mais ne peut le dénoncer pour ne pas nuire à deux orphelins (Sonia et Michel, réfugiés de l’Est) en situation plus que précaire. Par conséquent, elle préfère s’accuser d’un méfait qu’elle n’a pas commis pour «dire le moins de mensonges possible» (209/11). Mue par un pressentiment, la cheftaine de compagnie empêche l’exclusion décidée par le conseil d’équipe des Hermines, exige le secret et donne jusqu’à Noël à Furet pour restituer la somme disparue (tout juste est-elle interdite de conseil d’équipe). Cela qui a pour effet de murer Furet dans une solitude de plus en plus lourde, vu qu’elle n’a plus personne à qui se confier (hormis Maryse, une guide de France qui vit à Madagascar avec ses parents et avec laquelle elle correspond chaque semaine) ; surtout qu’elle se sait à tout moment épiée par les autres guides de l’équipe et que la seule à qui elle pensait pouvoir se confier (Nadette, la cul de pat) l’a suppliée de n’en rien faire. Nanette va pourtant, par hasard, découvrir la vérité et transformer le secret de Furet, réhabilitée, en un secret des Hermines dont Jacqueline, la C.E., profite pour mener ses guides, avec une exigence adaptée à chacune, toujours un peu plus loin dans le sens de la B.A., du service et de l’honneur. Le Ciel fera du décès de Maryse, l’occasion pour des parents en grand deuil et des orphelins en détresse de refonder un vrai foyer et pour l’équipe des Hermines, après s’être grandie, de pouvoir s’agrandir.

On l’a vu par ailleurs***, le passage du roman de type rédemptionnel au roman guide d’aventures oblige les auteurs à donner davantage de consistance à leurs personnages et à créer des profils complémentaires au sein d’une équipe ou patrouille. Avec Jacqueline, l’équipe des Hermines a une C.E. de fer, sévère et stricte, d’une rectitude jusqu’à l’intransigeance, mais juste. Sa seconde, Myriam, douce et patiente, docte, profonde et perspicace, lui est complémentaire. Vient ensuite notre héroïne, Claude, dite Furet, qui est décrite comme fort adroite et pleine d’idées, vive, imaginative, pleine de fantaisie et d’adresse, impulsive, capable de bêtises et de générosités, débrouillarde, adroite, fantasque, impétueuse, malicieuse, honnête, gentille, complaisante et travailleuse, à la volonté d’être loyale et de lutter contre une propension naturelle à la dissimulation. Dans l’ordre de l’équipe, suit le binôme Jeanne qui rit (une bonne grosse fille de 13 ans, enjouée, adroite et qui rêve de devenir cheftaine louveteau) et Jeanne qui grogne, maigre comme fil de fer, râleuse, maladroite et faible de volonté. Enfin la queue d’équipe : Bernadette, dite Nadette, novice douce et timide, pondérée, sauvage, voit tout mais ne dit rien, loyale et priante. C’est à elle qu’il reviendra de débrouiller le mystère de Furet, avec laquelle elle continuera à constituer une paire. Soit six filles aux caractères qui s’additionnent deux à deux. En ce qui concerne les fonctions directement liées au récit, nous avons l’héroïne avec Furet et la détective avec Nadette. Reste la narratrice, rôle que les auteurs, Abeille (Jacqueline Royer) seule pour les quatre premiers chapitres, en collaboration avec Albatros (Simone La Selve) pour les neuf suivants, ont conservé pour elles.

Le roman se termine sur une note d’espoir liée au dépassement de soi et à la victoire sur l’adversité, la mort et la maladie, ce qui est un peu la marque de fabrique de nos auteurs.

Suit l’annonce de la prochaine parution d’un nouveau roman guide à partir du n°213 de janvier 1948 : Le Loup de la 7 dû à la plume de Micheline Tabard.

Fauvette
(sur une suggestion d’Anne des Déserts)


*Guide de France, n°203 de novembre 1946, p.15 : « Au prochain numéro, nous commencerons L’Honneur des Hermines, grand roman d’aventures Guide, qui vous passionnera toutes ! ».

**Toujours prêtes, M. Bourcet, Spes (Coll. Des Fleurs et des Fruits), 1930 - La Roulotte, J. de Voghel, Desclée De Brouwer, 1934 -  La Forêt qui n’en finit pas, J-L Foncine, Alsatia (coll. Joyeuse, n°8), 1949.

***J-Fr. Van Caulaert, « Qui sait vouloir arrive toujours à ses fins » : pour une typologie de la guide au sein de sa patrouille dans les romans éponymes d’inspiration chrétienne d’après 1947, in Bulletin des Amis du Signe de Piste, n°77 et 78 d’août et novembre 2009, ainsi que sur ce blog.


Notes

Au cours de l’année 1946, la revue Guide de France avait procédé à une vaste consultation de ses lectrices à propos du contenu de leur revue, de leurs rubriques et articles préférés. Les résultats de celle-ci ont été publiés par Jacqueline Royer, Nous aussi nous avons eu notre Referendum, in Guide de France, n°203 de novembre 1946, p.3-5 et mettent en exergue le goût des lectrices pour ce type de sujets, ainsi que pour les romans guides, vu le succès de Panache, œuvre précédente de Jacqueline Royer achevée dans le n°201 de la revue. Parmi ceux de ces articles publiés sous la plume de Jacqueline Royer (Abeille Industrieuse de son totem et auteur, avec B. Duguet de la plupart des illustrations de la revue), durant que paraissait le roman, on citera une série de fiches techniques relatives aux nœuds et premiers soins, à la fourrure, à la fabrication de santons guides, au tricot, à la broderie, aux petits cadeaux, aux bagues de foulard, à la fabrication en patrouille de pantoufles et d’espadrilles, à la rénovation du local, à la fabrication de totems d’équipe et de marionnettes. L’accent est mis sur la B.A., surtout à Noël, l’esprit d’équipe et les problèmes de financement de l’association.

feu

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Commentaires
E
Deux ans !<br /> Alors qu'en une journée maximum, aux archives des Guides de France, vous pourriez établir le catalogue complet, définitif, exhaustif...<br /> <br /> Mais bon. La vie est faite de choix !
F
Malheureusement mes très nombreuses activités professionnelles ne m'en laissent pas le loisir ; dès lors ai-je recours aux services du Réseau Baden Powell, qui est très efficace, mais pour éviter l'engorgement limite l'accès à ses collections de revue à 5 numéros tous les dix jours (hors vacances scolaires), ce qui permet tout de même de se procurer quelque 150 numéros de revue par an, par conséquent d'ici à deux années, je devrais arriver au bout de mes peines ...<br /> <br /> FSS<br /> <br /> Fauvette<br /> <br /> Fauvette
E
Monique de Verdilhac pourrait être une piste intéressante mais elle arrive une trentaine d'années après "A la ferme de Champy".<br /> <br /> Pour combler ta soif de découverte des revues "Guide de France", pourquoi la Fauvette ne lisserait-elle pas ses plumes et ne ferait-elle pas l'exténuant voyage Bruxelles-Paris ? Le décalage horaire entre ces deux métropoles devrait être inférieur à 18h, les climats comparables, et on m'a certifié que les indigènes parisiens parlent le même langage que les Bruxellois... Rue de la Glacière, au siège des archives des (Scouts et) Guides de France, tu trouverais enfin le Graal : la collection complète des revues du mouvement.<br /> (je dis ça, je dis rien !)<br /> <br /> Fraternel Salut Scout
F
Peut-être, mais il y a une Monique de Verdilhac qui a publié plusieurs ouvrages de type psycho-somatique dans les années 1980-1990 ; de même qu'une certaine Jacqueline Royer a fait de même dans les années soixante-septante ...
E
Bon. Alors je patienterai encore ce qu'il faudra. Mais je trouve étonnant le hasard qui fait vivre à la même époque un auteur de roman scout Serge DALENS et une auteure de roman guide Monique DALENS. Si vous arrivez à percer ce mystère, je suis preneur de la solution !<br /> <br /> Ecureuil.
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