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Les Echos de Nampilly
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31 octobre 2009

Le roman guide après 1947 - 5

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3. Les fonctions liées au récit

A ces fonctions liées à la vie de patrouille, on peut encore en ajouter quelques autres davantage liées à l’évolution du récit, ce sont bien évidemment celles de narratrice (lorsque l’auteur y a recours), de détective (ou observatrice intuitive et logique : celle qui met en avant des éléments nouveaux permettant à l’action de progresser), celle de boute-en-train, permettant d’atténuer la tension du récit et enfin, bien évidemment, celle d’héroïne, autour de laquelle tout le roman va graviter.

3.1 La narratrice

S’il est une fonction multiforme, si pas virtuelle, dans les sept ouvrages retenus pour notre analyse du roman guide, c’est bien celle de la narratrice. Dans deux cas, il s’agit d’un prête-nom pour un auteur soucieux de discrétion : Cri, seconde des Hermines dans La Forêt qui n’en finit pas et narratrice officielle n’apparaît réellement dans ce rôle que durant les trois premiers chapitres et l’épilogue de l’aventure1; Capu, quatrième du Mustang dans Le Testament des cœurs fidèles et, à nouveau, narratrice, ou plutôt «reporter exclusif de toute notre aventure» n’apparaît en tant que telle qu’à la p.27 de l’ouvrage, avant de déléguer la plume à un auteur qui n’attendait sans doute que cela.

A deux reprises, le tandem Royer–La Selve fait plus compliqué : Dans L’Inconnue de Valcluse, les guides de l’Albatros, tour à tour, avec leur propre personnalité, narrent ce qu’elles ont ressenti des événements dont elles ont été le témoin ou l’actrice, avant de passer la plume à une autre ; d’où une grande variété de styles et d’angles d’attaque, parfois même à la limite de la caricature, à propos des événements par eux vécus. Dans Une Fille pas comme les autres par contre, ces auteurs ont fait le choix de retranscrire un cahier attribué à la main de l’héroïne et par indiscrétion découvert et lu par deux guides, Magali et Pascale, lesquelles n’auront de cesse de racheter cette faute et, comme Cabot (L’Inconnue de Valcluse), bien au-delà de la fin du récit.

Xavier Deutsch (Les Foulards bleus), lui aussi, a choisi le biais de la narratrice : Bénédicte, jeune guide des Mustangs, un rien gyrovague, et dont c’est le premier camp, nous fait découvrir celui-ci, dans sa réalité quotidienne, au travers des lettres, parfois un peu naïves mais pleine de tout ce qui fait la vie des guides durant un camp, par elle envoyées à son papa, dès qu’elle le peut, en ce mois de juillet 1989.

fille
François Craenhals pour Une Fille pas comme les autres

3.2 La détective

Autre fonction indispensable à la progression d’un récit, celle de détective, en général exercée par une ou plusieurs guides dont les observations, puis les déductions logiques vont permettre à l’intrigue de se développer et d’aboutir. Si Cri, seconde des Hermines, est quasi la seule guide à l’exercer dans (La Forêt qui n’en finit pas), elle bénéficie néanmoins, dans l’ultime étape, de l’expertise de son professeur d’histoire Pierre de Nancourt (Badinguet, pour les intimes). Dans L’Inconnue de Valcluse, Cabot, quatrième des Mouettes, sait s’appuyer sur les observations fragmentaires de Bison et apeurées de Faon. Cette fonction d’observatrice et de détective n’est que partiellement laissée aux guides des Mouettes dans La Croix verte, ce qui est tout bénéfice pour le tandem Soldanelle/Cathy, promu au rang d’héroïne. On peut quasi dire la même chose à propos d’Une Fille pas comme les autres, où ce sont Magali et Pascale (C.E. et troisième des Grillons) qui vont faire usage de ce qu’elles n’auraient jamais dû savoir pour anonymement amener l’aventure à un heureux dévouement.

Dans Les Choucas, c’est à France Picard, quatrième des Hermines, qu’est laissé le soin d’ouvrir les yeux, mais aussi de sonder les reins et les cœurs. Dans l’équipe du Mustang du Testament des cœurs fidèles, elles sont quatre à se partager cette fonction : Capucine, Matou et Gwen (quatrième, cinquième et septième d’équipe), trois détectives de première ligne, auxquelles la seconde, Maud, en toute discrétion, sert de catalyseur et de révélateur. Enfin, dans Les Foulards bleus, c’est à celle qui est souvent en dehors de sa patrouille, Bénédicte (qui «entend, voit et enregistre» et recevra pour totem le nom d’une variété de papillon) que revient tout le mérite d’avoir peu à peu deviné une grande partie des non-dits de Caracal.

3.3 Le boute-en-train

Pour introduire, ci et là, quelques instants de détente dans l’électricité d’une intrigue, plutôt que de multiplier les propos digressifs dont la fréquence semble redoutée des éditeurs2, les auteurs ont souvent recours aux réparties d’une ou deux même(s) guide(s) par équipe ou patrouille : Claude la cantinière et Lutin dans La Forêt qui n’en finit pas, Libellule blagueuse (L’Inconnue de Valcluse), Brigitte Hartus, dite Astuce (La Croix verte), Muriel Gerondin (Une Fille pas comme les autres), Caroline (Les Choucas), Marie, dite Pitchoun (Le Testament des cœurs fidèles), ou encore Dingo (Les Foulards bleus). Ces caractères heureux, dont la présence a essentiellement pour but de détendre l’atmosphère ne sont pas forcément toujours appréciés des cheftaines et peuvent même nuire à l’avancement de celles qui en font par trop étalage (ainsi Libellule, dans L’Inconnue de Valcluse).

3.4 Celle(s) dont on se sent proche

Si toute guidouille débutante voudrait se sentir proche de son chef d’équipe ou de patrouille (Les Foulards bleus), l’inverse n’est pas toujours évident et le cas de Véronique Sibert (Les Choucas) qui veille à chaque fois œuvrer en compagnie d’une guide différente, plutôt une exception. L’amitié d’Isabelle Servoz de (La Forêt qui n’en finit pas) est davantage tournée vers les plus de 14 ans que les «culs de pat». Abeille apprécie surtout Cabot (L’Inconnue de Valcluse). Magali, Pascale avec qui elle couve Joëlle (Une Fille pas comme les autres). Véronique Alban montre moins ses préférences (La Croix verte), de même que Claire (Le Testament des cœurs fidèles), même si on devine que cette dernière a une secrète préférence pour les guides à tempérament plus marqué comme Alix, Matou ou Gwen. Quant à l’auteur des Foulards bleus, il insiste surtout sur les liens et la complicité qui peuvent unir des filles de même âge, même si elles ne sont pas de la même patrouille.

croix
Fred Funcken pour La Croix verte

Davantage fouillé est le réseau des relations multiples que les auteurs tissent autour de leurs héroïnes et qui, en général, sort de l’équipe et souvent même de la compagnie et est à la base de l’intrigue. C’est ce que nous allons à présent tenter d’examiner.

à suivre : 3.5 L'héroïne, électron libre ou pièce rapportée ?

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1 Ce choix est justifié par la note suivante, p.129 : «C’est à l’équipe… que doit revenir l’honneur de notre réussite… (et non à une guide), chacune joue son rôle, guidé par la Providence et par la Loi souveraine de notre Mouvement (guide) qui est honneur, cran, loyauté. On a si peu de mérites personnels sous un tel étendard !»

2 Confidence d’Emmanuelle Marly, en date du 13 avril 2009.

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