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Les Echos de Nampilly
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19 novembre 2008

Jamboree-France 6

Moustique et les échanges
Jamboree-France n°13
lundi 18 août 1947
 

samedi_9_08___4
Cyril - Samedi 9 août 1947 - n°4

Moustique s’était bien promis de revenir du Jam avec une belle collection d’insignes étrangers. Ainsi, dès son arrivée à Moisson, se mit-il en chasse , muni d’un important stock de brevets, écussons de province, seconde classes, etc… qu’il avait emporté avec lui aux fins d’échange.
En trois jours, avec beaucoup de patience et quelques mots d’anglais, il parvint à rassembler suffisamment d’insignes de tous les pays pour en chamarrer son uniforme, depuis les manches de chemise jusqu’aux jambes de culotte. Ah! il n’en était pas peu fier, de sa collection! Il la montrait à tout le monde. Sa patrouille regardait avec envie chaque nouvelle pièce qu’il apportait triomphalement. Il y avait des fleurs de lys de toutes formes, des premières classes bariolées, des brevets de toutes les grosseurs.
Et tous les garçons des Chamois tombaient d’accord pour reconnaître qu’il était malin, Moustique. Ça, pour les échanges, il n’avait pas son pareil. Et il savait y faire!
Les insignes le passionnèrent jusqu’au jour où, au cours d’une visite au sous-camp Aquitaine, il tomba sur la délégation hindoue. Ce fut là qu’il aperçut, à la ceinture d’un éclaireur du Bengale, un magnifique poignard au manche ouvragé.

- Peut-être est-il empoisonné… se dit Moustique.

Dès lors, il n’eût plus qu’une seule idée: échanger au jeune Hindou son prestigieux poignard; mais l’échanger contre quoi? Moustique savait un peu d’anglais; il engagea aussitôt des pourparlers. L’éclaireur du Bengale ne voulut rien savoir. Moustique, qui était aussi têtu que malin, revint chaque matin au camp des Hindous pour revoir le scout au poignard. Les conversations diplomatiques durèrent trois jours, mais finalement Moustique repartit avec le poignard si convoité qu’il avait échangé contre sa collection complète d’insignes.
Tout fier de cette nouvelle acquisition qui lui valut plus d’un regard d’envie, il revint à son coin de patrouille. Il fut aussitôt assailli par les Chamois et «son» poignard passa de main en main.

- Formidable, s’exclama le CP.
- Un poignard du tonnerre! ajouta le second
- «Au poil!» précisa le novice.

Et Moustique de dire, avec un brin d’orgueil:

- Avouez, les gars, que c’est un échange qui vaut le coup!

Toute la journée, en se promenant dans le Jam, Moustique garda son poignard à la ceinture. Ce fut tout juste q’il consentit à s’en séparer pour dormir. Encore prit-il la précaution, en se couchant, de placer le précieux objet sous sa tête.
Le lendemain, les Chamois furent invités par les Tigres d’une troupe de Bruxelles. Ils s’y rendirent en grand uniforme. Moustique, évidement, portait son poignard: puisque la patrouille allait à une réception officielle, c’était l’occasion de faire preuve d’originalité. L’accueil des Belges fut très sympathique, le repas excellent, l’ambiance merveilleuse. Une petite veillée suivit le dîner; Tigres et Chamois chantèrent des chansons de leur pays; on fit quelques petits jeux.
Bien entendu, on fit aussi des échanges.
Mais Moustique ne s’intéressait plus à ces choses-là. Il avait son poignard et cela valait bien tous les insignes scouts du monde.
Il n’y eu qu’un seul garçon, parmi les Tigres, à ne rien échanger. C’était un tout jeune novice sans brevet ni insignes. Moustique l’observa, seul dans son coin, qui regardait les autres avec envie.
Hein?…
Moustique eut un sursaut. Le jeune novice belge pleurait. Comment peut-on pleurer au Jam ? Il s’approcha du garçon.

- Pourquoi pleures-tu ? lui demanda-t-il.
- Oh !... Pour rien.

A force d’insister, Moustique put tout de même savoir le motif de ce brusque accès de larmes: le petit novice de Bruxelles pleurait parce qu’il ne rapporterait rien du Jam. Il n’avait pas d’insigne à échanger et ses parents, qui n’étaient pas très fortunés et avaient déjà dû faire de gros efforts pour qu’il participât au camp de Moisson, ne lui avaient pas donné d’argent de poche. Il avait promis, cependant, de rapporter à un scout de sa patrouille qui, malade, était resté à l’hôpital de Bruxelles, un souvenir du Jam.
Moustique hésita… oh, pas longtemps!
Chez lui, les nobles décisions étaient aussi vite adoptées que les idées malicieuses.
Il comprit que l’idéal scout exigeait de lui un sacrifice, un très grand sacrifice. Alors, à la faveur de la nuit qui enveloppait le camp, pensant que ses camarades continuaient de faire des échanges, il détacha rapidement de sa ceinture le poignard hindou et le glissa dans la main du novice des Tigres. Les yeux étonnés du garçon rencontrèrent son regard.

- Tu le donneras à ton camarade qui est à l’hôpital, murmura Moustique. Tu lui diras que c’est un poignard hindou qu’un scout français t’a remis pour lui.

Quand les Chamois regagnèrent leur tente, en traversant le camp illuminé et qui déjà s’apprêtait au sommeil, Moustique chantonnait gaiement. Une joie immense lui baignait le cœur; à travers la rumeur confuse du Jam, les chants lointains qui, montant des feux, lançaient à la nuit les échos de toutes les langues du monde, il sentait mieux la grande fraternité qui l’unissait à tous ces garçons qu’une même devis avait réunis à Moisson.
Et il comprit alors pour la première fois combien il était doux de penser qu’on avait des frères (des vrais!) dans le monde entier.

Dachs

couteau

motiflys

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